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Très à la mode, le "pervers narcissique" se retrouve dans toutes les bouches pour en définir l’individu entrant idéalement dans la catégorie des psychopathes malfaisants, agissant de manière très autonome avec l’intelligence du malin, s’attaquant presque artistiquement avec une certaine jouissance malsaine à ses victimes dont l’impuissance à échapper à ses griffes renforce encore plus sa conviction de repousser ses limites dans la torture mentale, dans le mensonge construit et la violence bien orchestrée. Pourtant, à en croire la définition initiale qu’en donne la psychanalyse le pervers narcissique n’existe pas en soi, il correspond à une définition bien encadrée dont la subtilité n’échappera pas à celui qui s’en saisira en la découvrant : "ce n’est pas un type de personnalité mais une pathologie relationnelle qui consiste en une déstructuration de la personnalité dans laquelle la notion d'altérité n'existe pas". Au sens strict, et en d’autres termes plus clairs, par conséquent seule la pathologie (c’est-à-dire la maladie mentale) qualifiée de perversion narcissique existerait, l’individu "qui en souffrirait" ne concevrait pas autrui comme un être humain identique à lui-même (défaut d’altérité) mais au contraire comme une chose, comme un objet pouvant parfaitement être manipulable, ou plutôt manipulé, à loisir. Cette sorte de distanciation, aboutissant à vouloir "chosifier" autrui, apporte en effet, selon le corpus psychanalytique ainsi défini, de "graves problèmes relationnels", si du moins l’on peut encore qualifier de la sorte une si lourde et destructrice pathologie déviante…
Sans vouloir nous accrocher à la seule définition qui ainsi semblerait dédouaner assez allègrement le pervers narcissique puisqu’il serait lui-même la victime de sa pathologie, les véritables victimes de ce type de psychopathe ne l’entendront certainement pas vraiment de la même oreille que celle de la psychanalyse… Au-delà des mots et tournures syntaxiques ils préféreront s’attarder sur les maux subis reconnaissant plutôt dans le pervers narcissique une personnalité éminemment consciente de ses actes, parfaitement rodé dans son extrême capacité à provoquer la souffrance chez autrui. C’est d’ailleurs cette notion qui prédomine lorsque l’on parle de pervers narcissique : une sorte de monstre égotique n’ayant aucune empathie pour sa victime, jouant comme le chat avec la souris sans autre égard que celui qu’il tire lui-même de ses actions avec cette satisfaction d’avoir toujours fait le bon choix, le bien, mais d’abord et uniquement pour lui-même.
Le Bien, le Mal, justement tout dépend de ces notions à géométrie variable selon les individus et les contextes en présence mais aussi les angles qui permettent d’entrevoir un point de vue s’approchant d’une certaine vérité elle aussi toute relative. Il existe donc bien des personnalités, des individus mus par des choix avec des volontés propres de faire ou non le Mal, de préférer le Bien pour autrui, le partage constructif et altruiste ou au contraire cette prédominance à la déstructuration entraînant une orientation pervertie exerçant la destruction et l’avilissement d’autrui. Dans cette analyse ou dans ce positionnement devons-nous seulement concevoir qu’il existe des degrés dans les maux subis, des échelles de valeurs du Mal pour tenter d’en dédouaner ceux qui les perpétuent ? De quelles limites ou variables parlons-nous dans ce cas et le pervers narcissique ne serait-il pas finalement lui aussi pris dans une spirale infernale dont il souffrirait ? La majorité des personnes sensées seront heureusement catégoriques en n’acceptant difficilement cette vision pathologique que la psychanalyse propose, il n’existe pas de demi-maux, de petites tortures, de gentils avilissements ou bien de sympathiques mises en esclavage, ceci est une certitude, sauf pour les pervers narcissiques eux-mêmes qui ne regrettent aucun de leurs méfaits et pour les psychiatres qui cherchent inlassablement à les classer dans de beaux tableaux XL…
Mais une autre notion plus générale et fondamentale existe aussi, elle est consubstantielle à notre évolution, elle se cache au plus profond de nous et rôde à chaque instant dans les méandres de nos neurones, qui est-elle et d’où agit-elle ? Un petit détour en territoire scientifique nous apprendra que notre cortex, notre cerveau, n’est pas constitué d’un seul bloc mais s’est forgé tout au long des temps une structure étagée assez remarquable pour en dégager un constat digne des histoires originelles issues des textes anciens… En effet, la bête se tapie dans notre tête, à sa base coexiste un archéo-cortex (ou archicortex) aussi appelé "cerveau reptilien" et dont la spécificité initiale, très importante, serait de nous préserver pour conserver notre intégrité, une sorte de cerveau agressif avec tout ce qui vient de l’extérieur et qui pourrait nous nuire. Au-dessus, bien entendu, vient se greffer un cerveau plus évolué, le néo-cortex avec ces lobes frontaux qui caractérisent l’ensemble de notre individualité propre et notre personnalité unique, nos capacités d’analyses et de prises de contact avec le réel qui nous entoure, dont les autres individus font aussi partie. Nous avons maintenant que la régulation de notre Ego se trouve principalement sous l’emprise du "cerveau reptilien," que cette prédominance à jouer de pulsions parfois violentes caractérise l’Humain tel qu’il est constitué dans sa nature propre à interférer avec autrui, ce qui pourrait alors expliquer pourquoi ce serpent qui est en nous peut parfois, voire souvent, être tenté de mordre et d’infuser son si mortel venin à autrui !
Nul besoin de relire L’Enfer de Dante avec son étalage complet des péchés bien explicités ou bien d’aller chercher trop loin cet autre serpent, plus malin encore dans son Jardin d’Éden pour commencer à entrevoir quelques probables secrets ou allégories quant à la nature de l’Homme et de la Femme, à cette histoire originelle dont nous ne savons pratiquement rien, sauf peut-être à en interpréter sous divers angles, parfois aussi ésotériques, les aspects tortueux susceptibles de nous éclairer un tant soit peu sur cette notion de Bien et de Mal chevillée au corps et à l’esprit qui est le nôtre. Encore une fois l’Ego se trouve en position centrale dans cette possible révélation, il domine et assujetti celui qui ne sait pas dompter la bête en lui ou l’assagir pour qu’elle ne morde pas. Devons-nous y voir, dans cette optique de volonté de restreindre la puissance de l’Ego, cette habilité à avancer vers une sagesse difficile à acquérir, vers un degré de spiritualité qui nous éloignerait de l’animalité pour nous rapprocher d’une sorte d’élévation plus humaine, pour nous faire prendre conscience de notre véritable essence supérieure ? N’est-ce finalement pas LA question fondamentale dont découle toute l’Histoire de l’Humanité avec ses guerres, ses souffrances et ses dérives, mais aussi ses espoirs en un monde plus juste et équilibré, hors d’un chaos généralisé et d’une entropie destructrice ?
S’il devait y avoir une échelle de valeurs, préférons ensemble celle qui serait basée sur l’évolution positive, sur des degrés de spiritualité nous apportant un regard apaisé sur autrui, redéfinissant ainsi et sous un angle plus juste et sage le monde tel qu’il devrait l’être en suivant une évolution constructive au-delà des conflits inutiles et des perversions orchestrées et subies. Le pervers narcissique est peut-être un peu en chacun de nous, certains savent contenir ce monstre qui cherche à sortir de sa cage, certains ont atteint cette sagesse communicative via une Connaissance, certes encore trop peu diffusée, trop peu mise en pratique, mais dont nous sommes sûrs qu’un jour que nous y serons tous initiés pour vaincre l’adversité, la tentation du mal pour le mal et l’égoïsme ancré au plus profond de cet Ego déviant à combattre au quotidien. De l’Alpha des origines nous allons vers un Oméga plus radieux en devenir, comme l’aurait dit Teilhard de Chardin dans son remarquable ouvrage Le Phénomène Humain.
Jean-Pascal BRUNO, chaman professionnel
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