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Au-delà des drogues psychédéliques et des mondes rencontrés par les chamans durant des voyages ("trips") ou des rêves, c’est finalement la nature même de la réalité qui est essentiellement en jeu et dont la science "physicaliste" s’est emparée en décrétant unilatéralement que le matérialisme était le seul et unique chemin, non seulement à emprunter mais aussi à étudier en ne prenant en compte que les bases de ses propres dogmes purement cartésiens. Mais les toutes dernières recherches scientifiques expérimentales, en particulier celles issues du monde de l’infiniment petit, des particules subatomiques et quantiques, ont tout remis en cause et à plat tant les expériences effectuées contredisent l’intégralité des conventions habituelles et des normes admises depuis les siècles précurseurs du matérialisme (siècle des "Lumières") jusqu’à très récemment avec de toutes nouvelles théories révolutionnant notre vision du monde et surtout celui des sciences dites dures. C’est ce que nous allons voir dans cette deuxième partie 2/2 qui en résume d’incroyables et bouleversantes perspectives métaphysiques et humaines (Première partie 1/2 : ici à lire avant).
En bref, à partir des XVIe et XVIIe siècles la science a imposé une vision matérialiste du monde fondée principalement sur l’observation et la rationalité, portée entre autres par Galilée, Descartes, Newton ou Darwin. Mais depuis ces quelques dernières décennies cette approche empirique et cartésienne se heurte à des phénomènes défiant toutes les lois établies de la physique fondamentale, on ne parlait alors que très peu de physique quantique et encore moins du "phénomène de décohérence", une frontière de la matière dont émerge notre réalité et donc la nature même de notre espace-temps. Paradoxalement, le chamanisme dispose de certaines réponses, du moins dans sa pratique issue des psychédéliques, c’est ce que nous allons voir dès maintenant…
Et comme le dit si bien Philippe Bobola, physicien, biologiste et anthropologue : "Tout comme la physique quantique, le chamanisme bouleverse la physique classique et nous encourage à sortir du déterminisme dans laquelle notre pensée occidentale a tendance à s’enliser. Percevoir le savoir des peuples indigènes non plus comme des valeurs inadaptées à la modernité mais plutôt comme un laboratoire d’expérimentation de la physique la plus avancée pourrait élargir considérablement notre vision du monde tant visible qu’invisible qui nous entoure." L’intérêt est donc d’approfondir cette pensée, d’interagir sur cette attrayante réflexion, c’est-à-dire sur la nature intrinsèque de notre monde, sur notre propre nature humaine, et finalement sur ce que nous appelons la Réalité : une rencontre entre nouvelles sciences fondamentales (sciences dures) et chamanisme traditionnel (spiritualité ancestrale). D’autres scientifiques de renom ont bien entendu étudié la question dans leurs domaines respectifs, à noter l’excellent ouvrage "Par delà Nature et Culture" de Philippe Descola, anthropologue, étudiant les frontières culturelles artificielles échafaudées au fil des siècles pour décrire notre monde selon des stéréotypes anthropocentriques via des dogmes sociétaux imposés à tous, ou bien encore l’ingénieur physicien Philippe Guillemant et sa saisissante approche d’un espace-temps flexible influencé par la conscience (ouvrage : "La physique de la conscience").
Mais c’est surtout avec Bernardo Kastrup, ingénieur en informatique et philosophe de réputation mondiale, que dernièrement la démonstration est encore plus impressionnante de clarté et d’évidence, notamment sur la notion de nature de la Réalité, sur ce que les sciences "physicalistes" n’ont pas encore su intégrer ou comprendre, contrairement au chamanisme qui en a fait régulièrement l’expérimentation en utilisant rituellement des substances psychédéliques, ceci pour dépasser de loin la commune et profane vision, principalement occidentale et cartésienne. Afin d’entrer dans ce sujet passionnant, Bernardo Kastrup (dans son livre : "L’idéalisme analytique"), aborde le sujet de manière à la fois très progressive et "circumambulatoire", comme il dit, c’est-à-dire en y revenant en tournant autour afin de mieux s’en approcher, et la méthode semble excellente tant les descriptifs et exemples donnés au fil des pages sont pertinents et frappent immédiatement l’esprit du lecteur attentif.
Ainsi, plusieurs questions en préambule sont nécessaires pour comprendre le sujet dans son intégralité, son livre s’axe sur celles-ci : qu’est-ce qui caractérise la méthode scientifique pour saisir le monde qui nous entoure et pourquoi le physicalisme est-il une impasse ? Pourquoi le matérialisme et le cartésianisme n’ont pas été remis en cause plus tôt pour aborder le sujet de ce qu’est la Réalité du monde ? Que déduire de l’impasse actuelle du matérialisme, justement face à ses propres expérimentations contradictoires sur la matière (au niveau quantique) ? Que dire de l’expérimentateur et de l’expérimentation du visible, de la nature du lien qui les unit, le monde existe-t-il s’il n’est pas observable, quantifiable, prédictible ? Finalement, la conscience est-elle un produit de la matière, ou l’inverse ? Existe-t-il un "champ de subjectivité" sous-jacent à la matière ? Pourquoi le chamanisme a-t-il une vision plus complète et vraie du monde et de la Réalité qui se cache derrière le visible matérialiste?
L’on voit bien que la question centrale est "la nature de la Réalité" pour l’auteur, lequel explique patiemment avec de nombreux exemples et références scientifiques ou historiques que "la réalité physicaliste est une fiction" et n’est que la représentation visible et quantifiable d’une certaine autre réalité qui se cache derrière ce qu’il appelle "notre tableau de bord", à l’image de ce que nous voyons de la réalité avec nos sens et nos instruments, c’est-à-dire une certaine vision "en surface" dont on pourrait définir des lois ("physicalistes") et des schémas de pensée (sociétaux et anthropocentriques). Ces représentations du monde ne sont QUE notre "tableau de bord" dont nous suivons les instruments et leurs "données sur le monde environnant" mais ne sont absolument PAS le monde en soi. La meilleure interprétation de cette logique est dans l’exemple suivant : "la carte (routière) n’est pas le territoire" ! La science physicaliste nous a habitués à confondre ses "données de tableau de bord" avec la réalité seulement visible de ce qui est expérimenté par ces mêmes instruments… Une erreur fondamentale, donc, une terrible confusion qui devient une évidence au niveau des particules subatomiques constituant le monde de la matière; lesquelles ne suivent plus aucune de ses propres lois matérialistes ("de la matière" !) puisque la méthode scientifique est elle-même erronée à la base pour expérimenter "ce qu’elle perçoit", et qui n’est PAS la Réalité, mais uniquement la "représentation de la réalité" avec ses instruments, formant ce fameux tableau de bord.
Expliquer sa théorie de "l’idéalisme analytique" en un paragraphe après une longue introduction sur le thème, certes complexe mais essentiel à appréhender à petits pas, n’est évidemment pas simple même si les exemples parlent d’eux-mêmes pour exprimer assez rapidement son intuition métaphysique (ou une "Réalité supra-physique", au choix des mots qui vous conviendront). Maintenant, quel rapport avec le chamanisme et les psychédéliques !?
C’est ici que Bernardo Kastrup apporte des éléments radicaux à sa théorie, en entrant dans le domaine de la biologie du cerveau, de la conscience et de la nature de la réalité vécue. Il explique que les psychédéliques, au-delà de l’expérimentation normale des sens communs, font entrer la personne dans un état modifié de conscience permettant de dépasser la frontière du soi, c’est-à-dire d’entrer au-delà de l’expérimentation des sens normaux, lesquels sont d’ailleurs physiquement éteints (activité du cerveau presque nul, contrairement à ce que l’on nous a dit et redit). Ainsi sous l’effet de psychédéliques se crée une porosité de notre conscience intérieure, laquelle privée de l’expérimentation habituelle de nos sens (notre tableau de bord biologique expérientiel étant éteint, en quelque sorte - car le cerveau perçoit le monde de manière codée comme le ferait les instruments d'un tableau de bord). Ceci aboutit alors à faire vivre directement l’esprit (une "sur-conscience") avec une dimension plus large (une "supra-conscience universelle"), une Réalité de la Nature environnante de l’Univers telle que nous ne pouvons pas la percevoir par les sens communs, pas plus d’ailleurs que par des instruments scientifiques expérimentant la matière physique "en surface codée" en créant des illusions de "réalité physicaliste", des "représentations", des données de tableaux de bord lisibles mais "non véridiques" au sens absolu du terme.
Pour finir, il serait cohérent de penser, tout comme les traditions chamaniques le soulignent, que les "états réels du monde" sont d’ordre non physiques mais plutôt expérientiels, qualitatifs, symboliques, voire informationnels et même émotionnels, ce que les paramètres scientifiques quantitatifs ne savent pas et ne peuvent pas révéler. La réalité du monde se trouve au-delà de sa simple physicalité, c’est-à-dire dépassant sa représentation conventionnelle matérialiste et schématique. Ainsi, la physicalité (la science matérialiste) est un "produit de la mesure qu’elle effectue", et non une réalité en soi. Il en va de même de nos propres instruments biologiques de mesure (c.-à-d. nos sens) qui ne peuvent pas percevoir, en état normal de leur usage, la Réalité Universelle de la Nature du Monde. Je vous conseille bien évidemment la lecture des ouvrages cités et celui en particulier de Bernardo Kastrup pour suivre directement sa très étonnante et percutante démarche "idéaliste analytique", je reste néanmoins à votre disposition pour répondre à toutes vos questions !
Jean-Pascal BRUNO, sorcier chaman professionnel