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Ceux qui ont lu les ouvrages de Carlos Castaneda savent qu’il existe deux catégories de sorciers : les "rêveurs" et les "traqueurs". Il peut être important de déterminer si vous êtes sorcier ou pas, chaman ou pas, et dans quelle catégorie vous vous trouvez et si vous avez plutôt des dispositions pour pratiquer le "rêve" ou la "traque". C’est pour tenter de vous éclairer et de vous guider que j’aborde ce sujet. Revenons à la tradition : pour les sorciers-chamans cette initiation les conduit à résoudre des problèmes techniques et philosophiques, mais aussi à faire un certain nombre d’expériences et de découvertes. Parmi ces découvertes, les anciens sorciers-chamans prennent conscience que le monde dans lequel nous vivons n’est qu’une perception partielle et brouillée de la réalité. Celle-ci déformée et souvent occultée par nos systèmes de croyances dus à notre éducation et notre auto asservissement ainsi qu’à notre domestication. Ceci nous empêche d’accéder à la perception et à la connaissance intuitive de la réalité illusoire. Ainsi, le monde regroupe de nombreuses interprétations de la réalité et nous autres humains, conditionnés par nos sens et notre culture, nous n’en percevons que des fragments, nous ne voyons, entendons, touchons la réalité que dans les limites d’une "bande passante", et tout ce qui se passe en dehors de cette bande de perception nous est inaccessible… en temps normal !
Les anciens sorciers-chamans, par certaines pratiques et développements de talents personnels, finissent par percevoir quelques-uns des aspects de ces réalités au-delà de nos perceptions habituelles. Notamment, ils perçoivent autour des êtres humains des entités et des forces dont les variations d’énergie ou de densité peuvent renseigner sur l’état physique, émotionnel et psychique de la personne et avec lesquelles ils peuvent entrer en interaction. Ceci en fait la "faculté de voir" qui représente donc un des premiers acquis des anciens sorciers, et une entité peut tout aussi bien leur apparaître sous sa forme physique que sous sa forme "énergétique" selon la manière dont ils règlent leur perception. Bien sûr, la forme énergétique qui nous entoure rappelle la notion orientale de l’aura, mais acceptons comme plutôt rassurant que cette perception soit commune à une grande majorité de traditions. En approfondissant leur faculté de voir, les sorciers découvrent que les liens qui composent cette enveloppe énergétique sont reliés entre eux à une dizaine de centimètres du corps, dans ce que la tradition chamanique Toltèque par exemple appelle le "point d’assemblage". Ils découvrent enfin que l’univers entier est traversé de fibres d’énergie, regroupées entre elles pour former des lignes, à la manière de câbles de téléphones. Et le point d’assemblage du corps d’énergie des êtres vivants est lui-même connecté à certaines de ces lignes. D’après leurs découvertes, c’est en étant branché sur un nombre limité de ces lignes que l’humanité partage sa façon de voir le monde.
En somme, nous percevons à peu près tous le monde qui nous entoure de la même manière, aussi bien selon nos sens physiques que psychiques, parce que nous sommes branchés sur les mêmes canalisations d’énergie. Nos sorciers découvrent alors que lorsqu’ils se mettent en état de percevoir ces énergies autour des êtres, lorsqu’ils développent la capacité de "voir", leur point d’assemblage se déplace et accroche d’autres lignes d’énergie, transformant ainsi leur perception du monde. C’est là que se situent l’art de "rêver" et celui de "traquer". Parmi les personnes que vous connaissez, il y en a surement dont vous vous apercevez qu’elles ont un don, par exemple pour toujours se sortir des pires situations, de toujours retomber sur leurs pieds, de toujours être à l’aise en toutes circonstances, de ne jamais sembler être affectées par ce qui leur arrive, d’anticiper le déroulement des événements avec précision et raison, enfin, tout un ensemble de choses qui font qu’elles peuvent mieux vivre certains événements que vous ou d’autres personnes. Ce don, d’après les anciens sorciers, est lié à leur faculté de modifier légèrement la position de leur point d’assemblage et de contourner les obstacles, soit pour sortir d’une situation, soit pour poursuivre leur projet sans être gênées. Ainsi, lorsque nous sommes confrontés à une difficulté relationnelle et que nous trouvons soudainement l’attitude ou l’action qui retourne la situation et désamorce les tensions, nous avons légèrement déplacé notre point d’assemblage et accroché une petite ligne d’énergie sur laquelle nous avons puisé la force et l’idée de la réaction la plus adaptée.
Évidemment, on peut aussi se retrouver dans une position pire parce qu’on n’a pas accroché la bonne ligne, mais c’est là que le sorcier se différencie fondamentalement de l’homme ordinaire : il est un guerrier qui a le talent d’accrocher les bonne lignes. Rêver ou traquer sont donc deux modes de gestion de la position du point d’assemblage, et d’après les anciens chamans, ce sont les deux seuls modes qui existent. En effet, nos anciens sorciers se rendent compte que certains d’entre eux parviennent à déplacer de manière importante leur point d’assemblage, et donc d’accrocher des lignes d’énergie d’autant plus éloignées de celles sur lesquelles nous sommes connectés en temps ordinaire. Cette faculté est celle des "traqueurs", personnes qui ont une immense capacité d’adaptation, qui sont douées pour la comédie, qui ont les bons réflexes, qui sont capables aussi bien d’attirer tous les regards que de passer totalement inaperçues. L’art de la "traque" consiste donc à maîtriser le déplacement du point d’assemblage pour s’adapter au mieux (en suivant les signes que certains relient à la notion de synchronicités) aux circonstances mouvantes de notre environnement.
Le rêveur n’a pas la même souplesse de déplacement du point d’assemblage que le traqueur, mais il possède la capacité de le fixer durablement dans une position. Ainsi, si le traqueur peut accrocher assez facilement d’autres "réalités" du monde, il n’a guère de talent pour les explorer sur une longue période. Le traqueur va et vient entre plusieurs positions, entre différentes perceptions, mais éprouve de la difficulté à se fixer sur une de ces lignes d’énergie. Le rêveur ne parviendra pas facilement à déplacer de manière importante son point d’assemblage, mais il pourra le maintenir sur une ligne pendant un temps suffisant pour explorer ce monde différent et même y œuvrer. Dans notre monde commun, nous pouvons illustrer la différence entre le traqueur et le rêveur en assimilant le traqueur à un comédien, une personne douée pour le paraître (ou le "disparaître") et le rêveur à un artiste compositeur, un peintre par exemple, qui doit avoir à l’avance une idée précise et "en profondeur" de l’œuvre qu’il doit réaliser. Le traqueur a besoin d’être encadré pour donner très vite ce qu’il a de meilleur, comme un comédien qui se donne à fond sur une prise de vue, le rêveur s’isole et travaille sur du long terme, construisant patiemment sont chef d’œuvre. Tout ceci peut paraître bien abstrait, et pourtant les sorciers le mettent en application de manière très pratique dans leur art. Le sorcier traqueur est aussi capable d’entrainer les autres dans ses "états modifiés de conscience" et de leur faire partager ses perceptions d’autres réalités. Mais c’est le rêveur qui a les plus fortes capacités à influencer les autres en les maintenant accrochés sur d’autres lignes d’énergie.
Dans le monde de la magie et de la sorcellerie, le traqueur sera par exemple voyant, travaillant avec des cartes ou des supports, captant de manière subite des informations inaccessibles au commun des humains. Il pourra aussi être chaman guérisseur, se déplaçant avec aisance dans le monde des esprits et déployant tous ses talents de négociateur pour atteindre son but. Le sorcier rêveur pourra aussi être voyant, mais sur un autre mode, qui s’apparente plus à la médiumnité. Il aura une vision de l’avenir non pas par flash, mais par une sorte de connaissance intuitive et profonde. Ce sera par exemple un "dormeur", sorcier qui résout les questions qu’on lui pose en état de sommeil, parcourt le passé ou le futur de manière à bien comprendre l’enchaînement des événements, et prodigue ses conseils à son réveil, de manière précise et selon un plan structuré. Il sera plutôt contemplatif, s’absentant de longues périodes pour explorer les autres réalités et en rapporter des savoirs, comme les vertus thérapeutiques d’une plante. Le chaman rêveur n’est pas aussi à l’aise pour l’action que son collègue traqueur, mais il le dépasse en connaissance. Évidemment, l’idéal du sorcier est d’allier les talents du traqueur et du dormeur, capacité extrêmement rare, propre à certains sorciers-chamans, et qui exige de toute manière un travail acharné et constant. Mais pour l’homme ordinaire, pouvoir découvrir qu’on est plutôt traqueur ou plutôt rêveur, dans le sens que les sorciers donnent à ces mots, c’est entrevoir une meilleure exploitation de son énergie et de ses talents et aussi mieux accepter nos limitations. Attention toutefois, car la pratique de la traque ou du rêve n’est pas sans danger, comme la sorcellerie ou le chamanisme.
Dans notre société moderne, au contraire des sociétés amérindiennes par exemple, nous avons développé une forte nécessité de nous conformer à une "norme", celle du monde commun, qui est accessible grâce aux lignes d’énergie auxquels notre point d’assemblage est communément accroché. Ainsi, si dans certaines cultures il y a une place pour les personnes qui sont accrochées à d’autres lignes et perçoivent le monde différemment, le fait de vivre dans une autre réalité est très handicapant dans le monde occidental moderne. La schizophrénie, par exemple, pourrait bien être la conséquence d’un trop important déplacement du point d’assemblage par rapport à la position commune. La perception d’autres entités, d’autres personnes, le fait d’entendre des voix sont des concepts de sorciers-chamans, l’indice d’un traqueur qui se serait perdu dans des réalités trop éloignées de la norme humaine et ne pourrait plus faire le chemin de retour. De même, si un rêveur accroche définitivement une autre réalité, il finira par se retrouver isolé dans une bulle contemplative, vivant des expériences impossibles à partager avec ses proches, qui l’excluront de fait de la société. Pratiquer la "traque" ou le "rêve" au sens des anciens sorciers n’est pas un amusement sans conséquence. C’est une discipline qui apporte sans aucun doute des pouvoirs et des savoirs, mais ce n’est pas sans risque. À quoi cela sert-il, en effet, d’accéder à des savoirs étendus si on finit par quitter le monde commun et qu’on se trouve dans l’incapacité de les partager ou de les mettre en application ?
Les pratiques de la traque et du rêve ne sont toutefois pas interdites à l’homme ordinaire, car comme je le mentionnais plus haut, nous déplaçons tous notre point d’assemblage en permanence, mais dans de petites amplitudes et en revenant régulièrement et automatiquement à la position "normale". En contrôlant nos émotions, nos sentiments, et en maîtrisant notre psychisme, nous pouvons avec une certaine sécurité faire l’expérience des "états de conscience modifiée". Le champ des expériences liées à la traque et au rêve est bien évidemment infini, et peut vous mener à la rencontre de vous-même et des autres sous un jour tout à fait nouveau. Reste à savoir ensuite ce qu’on doit en faire… Si vous avez des questions sur cet article, n'hésitez pas à me contacter pour en savoir plus ou vous pouvez aussi bien évidemment directement lire les ouvrages de Carlos Castaneda !
Jean-Pascal Bruno, chaman professionnel
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