Le developement accéléré des découvertes scientifiques et la fulgurante avancée des technologies, au cours du XXe siecle, laissait présumer la disparition de la pensée magique considérée comme obscurantisme au profit de la pensée scientifique.
Nos parents voyaient l'âge d'or de la connaissance éclairée devant eux. Or, l'incapacité aujourd'hui reconnue de la science à expliquer le monde dans sa complexité, les catastrophes engendrées par un développement industriel anarchique au détriment de l'homme et de la nature, commence à mettre en doute notre croyance profonde dans le progrès et redonnent enfin leurs places à la Tradition, à la vie naturelle, à la pensée religieuse ou magique.
Les multiples formes du spiritisme, doctrines basées sur la croyance que l'homme est en relation et peut communiquer avec les esprits des disparus et avec des entités incorporelles (les guides,alliés ,démons), et son prolongement moderne, le New Age, religion désincarnée, syncrétique, qui se veut "pseud-scientifique", basée sur une vie spirituelle libérée des dogmes des Religions, sorte d'écologie mentale libertaire, avec ses rituels et ses croyances empruntés aux différentes traditions, au chamanisme, aux sagesses orientales ou primitives, comme le voyage astral,, la réincarnation, ont bouleversé le système de croyance de nos contemporains.
La nouveauté dans le champ de la Magie rituelle et de la Sorcellerie, c'est qu'elles sont sorties de leurs "réserves" africaines ou regionnales, pour se diffuser de manière visible et non plus cachée, dans nos villes et nos banlieues, gagnant des populations perdues, ayant perdu leurs racines et leur valeurs ancestrales.
Déçus par la désacralisation de l'image du prêtre, la négation du "merveilleux", l'abandon des pompes et des rites traditionnels, nos contemporains ont peu à peu déserté les églises , pour se rassembler au sein d'associations spirituelles, de sectes, où des gourous charismatiques, prolixes et chaleureux, soulagent leurs corps ,leurs âmes... et parfois leur portefeuille,époque oblige.
Dans nos campagnes, le curé post-conciliaire n'accepte plus de rarement de venir bénir une maison, un champ, une étable ou une nouvelle voiture, d'exorciser un malade qui se croit envoûté, de procurer à ses ouailles du sel béni. C'est à peine s'il croit encore un peu en son Dieu,et aux vertus des prières et de l'eau bénite (comme placebo spirituel).
Alors le Mage moderne, à la fois médium et sorcier prend la relève. Il apparaît comme le recours. Il est l'homme fort, puissant, invincible : l'homme de pouvoir. Celui qui a réussi son chemin de vie et à qui tout réussit. Il fait de la publicité, parade à visage découvert sur le petit écran, roule en voiture de luxe, parle d'égal à égal avec le médecin, le chercheur, l'ingénieur, le professeur et l'évêque. Le curé était au service de Dieu dans l'abnegation et de façon altruiste, il ne prenait rien pour ses "travaux", le sorcier, lui, prend très cher. Or tout le monde croit aujourd'hui que seul ce qui est cher est efficace.
Dans l'imaginaire d'une bonne partie de la population de plus en plus déculturée,la connaissance sur les rituels de magie peut attirer la chance, procurer aisément de l'argent sans effort, semer la discorde, donner le pouvoir de vie ou de mort : réalités autrement plus fascinantes que la laborieuse acquisition d'une culture et d'un savoir scientifique.
Aujourd'hui comme hier, la sorcellerie est l'explication irrationnelle de faits et de phénomènes rationnels. «En sorcellerie l'acte c'est le verbe.
La sorcellerie, c'est de la parole qui est pouvoir et non savoir ou information. » (Jeanne Favret-Saada).
La sorcellerie c'est la guerre des mots contre la réalité des faits, le conflit entre le verbe et les idées, l'affrontement entre la crédulité et l'intelligence, la lutte éternellement indécise entre le savoir et la connaissance.